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En quête d'indices

Les semaines et même les mois passaient, et nous apprenions à connaître Alaël. C'était une fille vraiment sympa, joyeuse, et pleine d'entrain. C'est pour cette raison qu'Ysa a baissé sa garde et a commencé à l'adorer. Nous étions à présent trois supers amies, et je crois bien que Lucas s'est vraiment senti exclu. Alors j'ai décidé d'aller lui parler, seule à seul. Il était devant son casier, en train de chercher des feuilles, comme d'habitude.
- Salut !
- Naëlle ! Tu m'as fait peur. Ça va ?
- Bien et toi ?
- Aussi. Un problème ? dit-il en refermant son casier, son sac au dos.
- Non, pourquoi ? 
- Ça fait longtemps qu'on ne s'est plus parlé toi et moi.
- C'est vrai, et c'est un peu pour ça que je viens.
- Comment ça ?

- Oui, tu me manques. On avait des périodes de fous rires avant, on se confiait tout, ou presque, on se voyait souvent et on s'amusait bien. Mais maintenant, c'est à peine si on se dit bonjour.
- C'est vrai... me dit-il. Mais bon, je suis tout seul avec trois filles, et en plus je sors avec Ysa.
- Et alors ? Tu n'es pas bien entouré de trois jolies filles comme nous ? dis-je en souriant.
- Si mais... parfois, j'ai aussi envie de voir autre chose tu comprends. Il y a des conversations que je ne peux pas avoir avec vous !
- Des conversations de mecs, donc principalement axées sur le…
- Non pas spécialement, mais entre autres, m’interrompit-il. Tu me vois parler de ça avec Alaël, ou même toi ?
- Euh bah... je ne sais pas, pourquoi pas ?
- Vous ne me comprendriez pas ! Et puis de toute façon, je n'ai pas non plus envie de passer tout mon temps avec Ysa.

- Il y a quelque chose qui ne va pas ? demandai-je, soudain inquiète que leur couple batte de l'aile.
- Non, tout va bien, mais on a presque 16 ans, et j'ai pas envie de déjà passer ma vie avec une fille tu comprends ? J'ai aussi envie d'avoir des moments de déconne avec des garçons de mon âge, de faire des trucs de mon âge ! Et de toute façon, c'est pareil pour elle, on en a discuté.
- Alors tu nous lâches, c'est ça ? dis-je, presque en colère.

- Non ! Jamais je ne vous lâcherai !
- Pourtant, c'est ce qui est en train de se passer.
- Ecoute, me dit-il, si tu veux, on peut se voir après les cours, on pourrait faire une activité ensemble, comme ça on passera du temps ensemble, comme avant.
- Oui ? Tu voudrais ?
- Mais oui ! Pourquoi je ne voudrais pas ? Je t'adore, tu le sais bien, et j'avoue que ces moments me manquent aussi.

- Mais Ysa va nous faire une crise de jalousie.
- Je lui en parlerai, ne t'inquiète pas.
Il me prit alors dans ses bras, et je fus surprise par cet élan d'amitié qui n'était pas habitude chez Lucas. Il ne montrait jamais ses sentiments de la sorte, je ne l'avais jamais vu embrasser à pleine bouche Ysa, ni l'enlacer. Mais cela me fit plaisir, je me disais que j'avais vraiment dû lui manquer comme lui me manquait.
Puis je suis retournée auprès des deux filles, j'avais quelque chose à leur dire. Une nouvelle à laquelle je ne m'étais pas du tout attendue, mais qui me faisait énormément plaisir.
- Vous savez de qui j'ai reçu un message hier soir ? dis-je avec un grand sourire.
- Non ? Sérieux ? Il t'a enfin recontacté ? dit Ysa, les yeux écarquillés.
- De qui vous parlez ? demanda timidement Alaël.
- Xavier ! s'exclama Ysa.

- Oui. Il m'a envoyé un message hier en disant qu'il aimerait beaucoup me revoir, parce que je lui manquais et bla bla bla ! J'ai sauté au plafond, je croyais qu'il m'avait oubliée après tout ce temps...
- C'est le garçon avec qui tu es sortie juste avant notre rencontre ? demanda à nouveau Alaël.
- C'est ça, lui répondis-je.
- C'est chouette, je suis contente pour toi !

- Merci. Je lui ai répondu que moi aussi je voulais le revoir, j'attends qu'il me donne rendez-vous. J'espère que ça va bien se passer...
- Mais oui, t'inquiète pas ma poule, tu vas te faire belle et tout ira bien ! me lança Ysa.
Comme des filles de notre âge, nous avons parlé de ça tout le reste de l'après-midi, moi commençant à stresser de plus en plus, Alaël s'y intéressant de plus en plus, et Ysa s'excitant à ma place de plus en plus. Ce jour-là, j'ai vraiment passé une excellente journée.

En rentrant ce soir-là, j'ai trouvé ma mère au salon. Elle était en train d'écrire dans un livre, et fut très surprise de me voir rentrer. D'un coup sec, elle a refermé le livre qu'elle avait entre les mains, et m'a regardé avec un air faussement innocent.
- Ça va ? me demanda-t-elle de sa voix tremblante.
- Oui et toi ? Tu es bizarre...
- Non, non, ça va !
Ces derniers temps, ça m'avait fait bizarre de voir son ventre s'arrondir. J'avais déjà vu ça lorsqu'elle attendait mon frère, mais j'étais petite, et je ne m'en souviens plus très bien. Mais à présent, je réalisais qu'un bébé allait vraiment arriver ici, et j'étais de plus en plus heureuse de cet évènement.

Toutefois, la réponse de ma mère ne me satisfaisait guère… Pourquoi avait-elle fermé ce livre aussi vite ? Et pourquoi écrivait-elle dans un livre, surtout ? Un livre, on le lit, on n’écrit pas dedans. Celui-ci n’avait rien d’un journal intime, en plus, c’était un livre de Balzac !

- Pourquoi tu écris dans le livre ? Tu vas l’abîmer…

- Mais non, je n’écrivais pas, je réfléchissais !

Je n’ai rien dit, mais j’avais bien vu qu’elle écrivait et que donc, elle me mentait.

- Je crois bien que j’ai un petit copain… dis-je alors.

J’avais besoin d’en parler avec elle. C’était ma mère, ma première confidente même si parfois elle m’ennuyait. On avait toujours été complices, même si le plus souvent je me tournais vers mon père. Mais pour ce genre de sujet, pas question !

- Oh c’est vrai ? me demanda maman. Mais… tu es un peu jeune ! Tu ne feras pas de bêtise hein Naëlle ?

- Mais non maman ! Je ne suis pas trop jeune, j’ai presque 16 ans ! C’est de mon âge tu ne crois pas ?

- Si, tu as sans doute raison… mais ça me fait bizarre de voir ma petite fille grandir si vite.

- Tu en as encore un en réserve ! dis-je en riant.

- Oui… je suis contente que tu sois heureuse de cet évènement maintenant. J’aurais été très triste que tu ne partages pas notre joie tu sais ?

- Je le sais. Quand est-ce qu’on saura si c’est une fille ou un garçon ?

- Bientôt ma Naëlle. Mais nous aimerions garder la surprise… tu ne nous en voudras pas si on ne te dit rien ?

- Vous faites comme vous voulez tant que vous ne me faites pas un autre petit monstre ! lui répondis-je alors en riant à nouveau.

Nous avons ainsi discuté pendant de longues minutes, et ça m’a fait du bien. Elle m’a posé des questions sur Xavier, auxquelles je me suis fait un plaisir de répondre.

Le week-end qui suivit, je revis donc Xavier. Il m’a emmenée au cinéma puis on a été boire un verre ensemble. Je l’aime bien, il est vraiment gentil. Il m’a dit qu’il partait bientôt pour l’université, rejoindre sa sœur. Mais qu’en attendant il aimerait beaucoup qu’on se revoit et qu’on profite du temps qu’il nous restait. Je n’ai pas été contre. Je n’étais amoureuse de personne en ce moment, et il me plaisait. Je me suis dit que j’aviserais au moment où il devrait partir, si d’ici là j’étais encore avec lui et que j’en étais tombée amoureuse…

Me voilà donc avec un petit copain ! Ne vous moquez pas, c’est une étape tout de même !

Bon, à dire vrai, si je lui ai parlé de beaucoup de choses, à Xavier, je ne lui ai jamais parlé des secrets de mes parents.

Eh oui, mes deux meilleurs amis avaient fini par me prendre pour une folle, je ne voulais pas qu’il en soit de même avec mon petit copain ! Bien que, quand j’y repense, Lucas ne m’ait jamais dit qu’il en avait marre, lui, il n’y a qu’Ysa qui avait dit que je devenais tarée.

J’ai donc choisi le silence, c’est vrai, mais pas dans ma tête. Le fait que ma mère écrive dans un livre et surtout me mente n’avait fait que réveiller toutes les questions que je me posais. J’en avais assez de tout ça et il me fallait du nouveau pour me convaincre que je n’étais pas folle, mais qu’ils me cachaient bel et bien quelque chose !

J’ai donc pris une décision capitale, une décision qui allait peut-être dérouter mes parents et leurs secrets. Du moins, je l’espérais…

Le lundi, quand je suis arrivée au lycée, j’ai pris Alaël à part pendant que mes deux autres amis roucoulaient.

- Dis, Alaël, je voudrais te parler de quelque chose…

- Oui ? Il y a quelque chose qui ne va pas ?

- Eh bien…

Et je lui ai tout expliqué. Des livres aux regards étranges en passant par l’interdiction d’aller dans les livres. En racontant, je me suis rendue compte que je n’avais finalement que très peu d’indices et ça me désespéra.

- Mais en quoi puis-je t’aider, moi ? Je ne suis ici que depuis très peu de temps !

- Je sais mais… je ne sais pas, tu pourrais peut-être en parler avec tes parents ?

- Que veux-tu que mes parents aient à voir avec ça ?

- Je ne sais pas ! Mais quand j’ai parlé de vous aux miens, ils ont eu une drôle d’expression sur le visage, comme si votre venue les inquiétait !

- Bon, je demanderai, mais je doute que je puisse t’apporter quelque chose…

- Merci d’essayer ! dis-je, reconnaissante.

Quand nous sommes retournées près de Lucas et Ysa, cette dernière a compris de quoi nous avions parlé et a levé les yeux au ciel sans un mot. Lucas, lui, m’a regardé, intrigué. Peut-être que je devrais lui en reparler. Il semblait plus ouvert que sa copine…

J’ai donc décidé de le faire le jour où, comme prévu, nous avons fait notre activité ensemble. Du sport !

Nous sommes arrivés dans la salle, et avant que nous ne commencions, je me suis lancée.

- Lucas, tu te rappelles de l’histoire avec mes parents, leurs secrets etc. ?

- Oui évidemment, comment oublier ?

- J’ai demandé à Alaël d’en toucher un mot à ses parents. Quand j’avais parlé de sa famille à la mienne, ils avaient fait une drôle de tête. Et l’autre jour, j’ai trouvé ma mère en train d’écrire dans un livre de Balzac ! Elle l’a refermé vite fait quand je suis arrivée et m’a menti !

- Et tu penses que ça veut dire qu’il y a quelque chose ? me demanda-t-il d’un air sceptique.

- Tu n’y crois plus non plus… dis-je alors d’un air déçu.

- Je ne sais pas Naëlle… tout ça c’est si… abstrait ! Je ne sais plus qui croire entre toi et toutes tes questions et Ysa qui me dit que c’est des bêtises pour te rendre intéressante…

- Elle t’a dit ça ? Elle pense que j’invente pour me rendre intéressante ?!

- Euh…

- Ok, super ! Elle est super sympa ta copine ! dis-je alors en me renfermant sur moi-même, blessée.

- Mais non… Naëlle… me dit Lucas en passant un bras autour de mes épaules. Tu sais comment est Ysa… tout ce qui est extérieur aux garçons, aux fêtes et tout ça… enfin… elle ne voit pas beaucoup plus loin que le bout de son joli nez, tu le sais bien !

- Tu la défends ! Tu penses comme elle ?! dis-je en me dégageant.

- Non. Je ne crois pas que tu fasses ça pour te rendre intéressante, tout d’abord parce que tu n’en as pas besoin et ensuite parce que je suis sûr que tu es convaincue du secret de tes parents.

- Alors aide-moi !

- Mais comment Naëlle ? On ne sait rien !

Il m’avait cloué le bec.

- Oui… tu as raison… mais je ne peux pas me résoudre à baisser les bras ! Je sens qu’il faut que je continue !

- Alors attends simplement la réponse d’Alaël, ensuite, on verra… d’accord ?

- D’accord…

On est partis faire du sport ensuite, puis il m’a ramenée chez moi et, surprise, m’a une nouvelle fois serrée dans ses bras avant de me faire un sourire ravageur.

Je l’ai regardé d’un air interrogateur.

- Quoi ? me demanda-t-il sans me lâcher des yeux.

- Qu’est-ce qu’il y a ?

- Rien ! Je suis content de passer du temps avec toi, rien que nous deux.

- Moi aussi… répondis-je en souriant. Allez je file, ma mère m’attend pour le dîner ! Bonne soirée !

- Oui, à demain !

Il m’a fait un bisou prolongé sur la joue puis est reparti. Intriguée par son comportement, je suis rentrée chez moi. Plus jamais je ne demanderais quoi que ce soit à mes parents. J’allais chercher toute seule ! A commencer par le livre de Balzac ! Et j’y passerais la nuit s’il le fallait !

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