Nouvelles données
Le soir même de mon anniversaire, mes parents sont venus me chercher, ainsi que mon frère. Il fallait qu'on aille dans la cuisine, réunion familiale improvisée.
Et on se retrouvait à table, à attendre leur bon vouloir pour nous dire ce qu'ils nous cachaient. Je me suis demandé si ça avait un rapport avec mes questions à moi, mais autant vous dire que je me berçais d'illusions, encore une fois. Car ce qu'ils nous ont annoncé était en effet une grande nouvelle, une information capitale pour notre vie, mais... ce n'était en aucun cas ce que j'attendais.
- Naëlle, Guillaume, nous avons quelque chose à vous annoncer, dit gentiment mon père.
- Mais encore ? dis-je, impatiente.
- Eh bien voilà, je suis enceinte. Vous allez avoir un petit frère ou une petite soeur, dit calmement ma mère, comme si c'était tout naturel.
J'ai failli m'étrangler pendant que mon frère poussait un cri de joie à vous trouer les tympans. Ma mère enceinte ?
- Quoi ?? Enceinte ? Mais enfin...
- Ce n'était pas prévu au programme, mais c'est plutôt une bonne nouvelle non, ma Naëlle ? me demande mon père en me regardant de ses yeux tendres, comme pour m'obliger à être d'accord parce que je ne pourrais faire sortir ma colère devant ce regard-là.
- Euh... ouais.
Je ne pouvais pas rester là. Je suis montée dans ma chambre, sans en attendre la permission. Qu'est-ce qui leur prenait bon sang ? Ils n'étaient déjà pas foutus d'être là ensemble, et voilà qu'ils nous faisaient un bébé ! D'un autre côté... une petite soeur... rien que d'y penser, ça me donnait le sourire. Par contre, un autre petit frère, non merci ! Grrrr, ces parents ! Ils étaient déjà bizarres, mais là ils avaient atteint un sommet !
C'est mon frère qui est venu me voir le premier, car je savais que mes parents ne tarderaient pas à suivre. Qu'est-ce qu'il me voulait encore ?
- Naëlle, pourquoi t'es pas contente ?
- Tu ne sais pas ce que c'est d'avoir un petit frère, dis-je sans le regarder.
Puis, comme il ne disait rien, et que j'étais déjà en train de regretter mes paroles, je me suis tournée vers lui, et me suis approchée.
- Ce n'est pas que je ne suis pas contente, mais je trouve ça bizarre. Nos parents sont bizarres, seulement tu es encore trop petit pour t'en rendre compte p'tit frère.
Je l'ai pris dans mes bras, pour lui montrer que je l'aimais quand même. En fait de l'aimer, je l'adorais. C'était mon frère, je me devais de le protéger, de l'aider, de le guider. C'est vrai qu'il pouvait être casse-pieds, mais son côté arsouille et son regard de chien battu me faisaient fondre.
- Eh, arrête ! Je suis pas ton amoureux ! Et je suis pas un gamin ! me dit-il avec un air qui se voulait menaçant, mais qui ne l'était pas du tout.
- Allez file dans ta chambre, p'tit gars !
Et comme il fallait s'y attendre, c'est ma mère qui lui a succédé dans ma chambre. Tu parles d'un cadeau d'anniversaire, j'aurais préféré quelques informations à propos de ces écritures dans les livres ! Mais à la place, j'ai droit à un bébé !
« C'est pas bien un bébé ? C'est mignon, et puis ça t'occupera. »
Comme si j'avais que ça à faire. J'adore les bébés, mais là, j'ai des trucs à découvrir !
- Naëlle, on peut parler un peu ?
- Moui...
- Ecoute, je sais bien que c'est difficile pour toi d'accepter. C'est un imprévu, c'est vrai. Mais c'est un imprévu qui nous rend vraiment heureux ton père et moi. Et on aimerait beaucoup que ça soit ton cas aussi. Notre bonheur sera moins grand si tu n'y participes pas.
- C'est pas que je suis pas contente, mais vous croyez pas que c'est pas vraiment le meilleur truc qui vous arrive ? Vous n'êtes déjà presque jamais là, tous les deux, ensemble alors avec...
- Ce problème sera réglé.
- Ah ? Et comment ?
- Je vais rester à la maison, le temps de ma grossesse et après la naissance... je ne sais pas encore combien de temps.
Cette nouvelle me réjouissait et m'écœurait en même temps ! C'était génial, j'allais avoir ma mère tout le temps, c'était pas courant chez moi ! Chaque fois que mon père serait là, nous serions au complet, et ça c'est génial ! Par contre, ça n'allait vraiment pas m'aider pour faire des découvertes. Et j'allais avoir ma mère sur le dos tout le temps, elle surveillerait tout ce que je faisais.
- Bon alors... c'est cool, dis-je avec un manque d'enthousiasme certain.
Elle prit une chaise pour s’asseoir... c'est mauvais signe, elle allait me parler de trucs de filles, je le sentais.
- Alors... dis-moi... avec ce Lucas, comment ça se passe?
Je m’installai à même le sol, parce que ce n'est pas en restant debout que j'allais échapper à cette conversation à laquelle je n'avais aucune envie de participer.
- Eh bien, nous sommes amis maman, depuis le début. Tu sais bien que c'est avec Ysa qu'il sort. Depuis toujours...
- Cette histoire de gamins dure toujours ? Ça c'est étonnant !
- Ce n'est pas une histoire de gamins maman ! Ils sont amoureux ! Tu devrais comprendre, tu aimes papa non ?
- Bien sûr ! Et je comprends. Mais admets quand même que c'est rare que deux enfants continuent à... s'aimer à l'adolescence.
- Bon... j'ai des devoirs à faire encore...
- Ma puce, tu as l'âge toi aussi d'avoir un petit ami... alors euh...
- Maman ! J'ai pas attendu d'avoir 15 ans pour...
- Quoi ?!
- Si tu me laissais achever au lieu de te faire des films ?! Je disais donc que je n'ai pas attendu d'avoir 15 ans pour savoir comment on faisait les bébés et ce qu'il fallait faire pour ne pas en avoir. Je me suis renseignée sur la question figure-toi, et de toute façon, à l'école, on finit quand même par tout savoir. Par contre, tu ferais bien de surveiller ton fils... Je peux travailler maintenant ?
Ma mère est partie en direction de la chambre de mon frère, il a pas fallu lui dire deux fois à la pauvre. Je me suis tournée vers mes devoirs, mais mon esprit était ailleurs. Cette conversation m'avait fait réaliser quelque chose. Lucas et Ysa étaient ensemble. Ils sortaient ensemble. Cela signifiait donc qu'ils avaient déjà embrassé quelqu'un pour de vrai ! Et pas moi ! Mince, il allait falloir que je remédie à cela, et vite ! Déjà que ça allait être de moins en moins simple avec eux deux, vu que ça devenait sérieux, alors si en plus je ne pouvais même pas dire que je savais de quoi ils parlaient... Non, non ! Il fallait que je me trouve un garçon !
Et puis je me suis demandé... est-ce qu'ils ont déjà... mince ! Ça je peux pas le faire comme bon me semble. C'est que c'est sérieux comme affaire. Il allait falloir que j'en parle avec Ysaline.
C'est d'ailleurs à cette époque qu'on a commencé à être plus proches, elle et moi. Enfin, elle comprenait que je n'avais pas de vues sur Lucas, et donc on a pu être de véritables amies, qui se confient tout. Le pauvre Lucas se sentait parfois même exclu, il a fallu qu'il se trouve des copains pour lutter contre le commérage de filles.
Mes devoirs finis, mon frère en train de jouer dans sa chambre et mes parents papotant dans la cuisine de prénoms de bébé, je suis allée m'installer devant la télé. J'ai zappé quelques minutes, mais comme c'était le journal télévisé partout, je me suis fixée sur un.
J'ai augmenté le son, le journaliste parlait de quelque chose qui se déroulait apparemment dans le quartier:
« Il y a quelques années de cela, on vous avait appris la venue de quelques membres d'un peuple jusqu'alors inconnu : les fées. En effet, après la découverte de leur lieu d'habitation, ayant pour propriété de rendre immortel, bon nombre de nos concitoyens sont partis dans ce monde. Les autorités avaient alors mis en garde ces personnes, décidant finalement d'interdire l'accès à cette contrée inconnue. Mais une famille de fées, composé d'un seul membre de cette espèce, est venue vivre dans le village de Miothis, non loin de la ville de SimCity.
Aujourd'hui, après avoir suivi un enseignement à domicile, la fille aînée de cette famille va entrer dans le lycée de la région, et faire ses premiers pas dans une de nos écoles. Nous avons essayé d'interroger ses parents, mais ils ont refusé tout commentaire. Nous avons néanmoins pu récolter quelques informations auprès des voisins de cette famille. Un reportage de Stéphanie Deville. »
Ensuite, quelques personnes racontaient des trucs sur eux, et j'ai appris que c'est dans mon futur lycée que cette fille allait venir ! Mes parents ne m'avaient jamais parlé de cette affaire, là encore ils avaient fait des mystères, mais cette fois, je n'allais pas laisser passer !
Je suis allée dans la cuisine, interrompant leurs petites disputes sur les prénoms.
- Alors comme ça, y a des fées dans le coin, et vous ne me dites rien !
Ils se regardèrent, interloqués.
- Des fées ? reprirent-ils en coeur, et c'était trop synchro pour être vrai.
- Oui, ne faites pas les innocents ! Pourquoi n'avez-vous rien dit ? C'est quoi encore ce mystère à la noix ?
- Mais Naëlle, nous n'en savions rien, me dit mon père. On est arrivés ici il n'y a pas si longtemps, je n'avais jamais entendu parler de ça.
- Bon... eh bien, il y a une famille de fées qui habite dans le village voisin. Il parait qu'il n'y en a qu'un qui est fée là-dedans. Et leur fille va entrer dans mon lycée ! En même temps que moi ! Je parie que tout le monde va l'ennuyer ! Si c'est le cas, je serai la première à aller la trouver pour qu'elle vienne avec nous si elle en a envie.
- C'est généreux de ta part ma Naëlle. Il serait temps que tu ailles au lit maintenant, non ?
- Tu rigoles, tu as vu l'heure ?? C'est Guillaume qui doit y aller, pas moi ! J'ai 15 ans, pas 3 !
- Bon... bon. Mademoiselle a dit ! Mais tu ne vas pas dormir trop tard, d'accord ?
- Pourquoi... vous allez où ?
- Nous on va dans notre chambre, alors à demain. Mais n'oublie pas que tu rentres à l'école dans deux jours !
- Mais oui !
Ils sont montés et j'ai enfin eu la paix. Y avait justement un film que j'avais envie de regarder à la télé.
« Harry Potter ? »
Ah ah... très drôle ! Non pas Harry Potter ! Je sais plus comment il s'appelle ! Enfin bref, je l'ai regardé puis je suis montée. J'ai mis un pyjama puis je suis allée dans mon lit, mais j'ai mis un temps bête à m'endormir, je pensais à Lucas et Ysaline, et ça me perturbait.
C'est pourquoi le lendemain, j'ai téléphoné à Ysa pour qu'elle vienne chez moi.
- Allô ?
- Ysa ? C'est Naëlle !
- Ah salut, ça va ?
- Oui. Dis, t'aurais pas envie de venir un peu chez moi ? Histoire de profiter des derniers jours de vacances ?
- Ok, j'arrive... le temps de me préparer !
- Oh... alors je peux bien compter une heure avant que t'arrives !
- Eh ça va hein ! dit-elle juste avant de raccrocher.
Elle mettait toujours un temps fou pour s'apprêter. C'est vrai qu'en général, les filles mettent plus de temps que les garçons, mais elle, c'était pire que tout.
Une demi-heure après mon appel, elle sonnait à la maison. Je descendis en vitesse pour que personne n'aille ouvrir à ma place.
- Viens, on va aller dans le jardin, on sera tranquille, dis-je.
- Ok. Alors, prête pour entrer au lycée ?
- Ouais. Dis, t'as vu le truc au journal hier ?
- A propos des fée ? Oui ! C'est bizarre. J'aimerais pas être à sa place.
- Moi non plus, mais je me suis dit qu'on pourrait lui proposer de venir avec nous si elle est seule.
- Ben on verra, si ça se trouve, c'est une fille super canon, et tous les mecs lui courront après alors...
- Tu penses qu'à ça toi ! Du moment que le tien reste près de toi, y a pas de problème de toute façon !
- C'est vrai ! dit-elle avec un petit air ironiquement suffisant.
- En parlant de ça, je voulais te demander...
- Oui ?
- Lucas et toi... vous vous êtes embrassés non ?
Elle éclata de rire, devenant rouge vif à force de ne plus savoir respirer. Je sens que j'aurais mieux fait de me taire... et c'est moi qui pris quelques couleurs.
- Naëlle ! Evidemment ! Depuis le temps !
- Ah... depuis combien de temps exactement ?
- Oh... depuis... je sais même pas. Disons que quand on était petits, on s'embrassait mais bon... euh, sans les détails quoi ! Après, je sais pas à quel âge on s'est vraiment embrassés, mais ça fait un moment, pourquoi ?
- Ben... enfin non rien.
- Allez, t'as commencé, termine !
Elle s’installa sur un des transats et je m’apprêtai à en faire de même.
- J'ai jamais embrassé quelqu'un... marmonnai-je.
- Quoi ? J'ai rien compris !
- J'ai jamais embrassé quelqu'un, repris-je plus clairement mais avec une certaine amertume dans la voix.
- Ben euh... c'est pas grave ! Et puis... tiens, Thomas, tu l'as jamais embrassé ?
- Non...
J'avais pas envie de me ridiculiser devant elle, mais c'était ma meilleure amie, je pouvais pas lui mentir. Et puis si elle était vraiment mon amie, elle ne se moquerait pas.
- Suffit d'en attraper un en soirée !
- Mouais... tu l'as jamais fait que je sache !
- Euh... c'est vrai, mais si je voulais, ça se ferait sans problème ! me dit-elle en me regardant avec malice.
Il y avait toujours cette autre question qui me torturait l'esprit, mais j'avais du mal à la sortir. C'est que je devenais très indiscrète. Mais après tout, c'était pas Ysaline que ça allait gêner !
- Et, est-ce que vous avez... franchi le cap ? demandai-je sans oser la regarder.
- Couché ensemble ? Evidemment ! Tu imagines depuis combien de temps on est ensemble ? Sérieux, on allait pas attendre le mariage hein !
- Ouais mais bon... on est jeunes encore. Enfin, vous faites ce que vous voulez mais...
- J'espère bien qu'on fait ce qu'on veut ! Tu crois pas qu'on va te dire où et quand non ? dit-elle en riant.
Elle avait bien changé ces dernières années. Elle et Lucas, ils ne se ressemblaient pas du tout. Lui, il était plutôt timide, enfin introverti, pas vraiment timide. Il osait, mais préférait garder tout pour lui. Tandis qu'avec Ysaline, on savait tout, ou presque, il n'y avait pas de sujet tabou.
Moi, à part ce sujet qui me rendait un peu plus gamine que je ne l'étais, par mon manque d'expérience, j'étais plutôt extravertie et à l'aise avec tout le monde.
- Et tu me l'as même pas dit ? m'exclamai-je, réalisant qu'elle aurait pu me tenir au courant.
- Ben quoi, tu veux que je te tienne un journal de bord aussi ?
- Non, mais merde quoi, on est amies, t'aurais pu au moins me dire quand ça s'est fait ! J'ai l'air de quoi moi maintenant ?
- D'une gamine !
- Oh ça va hein ! lui dis-je alors qu’on s’était décidées à aller jusqu’au petit bout de plage en bas de chez moi.
- Bon, écoute, si tu veux, ce soir, on sort ! Tu te trouves un mec ! Et tu l'embrasses !
- Parce que tu crois que mes parents vont me laisser sortir à deux jours de la rentrée...? Tu les connais mal, ils sont vieux jeu tu sais. Et avec le bébé qui va arriver, ils vont l'être encore plus ! dis-je en levant les yeux au ciel.
- Le bébé ? Quel bébé ?
- Mince, je t'ai pas dit ! Ma mère est enceinte !!
- C'est vrai ? C'est génial !!
- Ouais... C'est pas avec ça que je vais en apprendre plus sur leurs cachotteries...
- Oh Naëlle, tu vas laisser tomber oui ? Ça fait des années que tu nous emmerdes avec tes histoires à dormir debout !
- Sympa...
- Mais c'est vrai quoi ! Réalise ! Tu t'es fait des films, depuis tout ce temps, tu n'as jamais eu d'indices.
- Pourtant, ma mère m'a demandé si je sortais avec Lucas, lui répondis-je en sachant très bien que ça allait la faire réagir.
- Ben... c'est normal, elle croit que vous pouvez tomber amoureux, puisque vous êtes toujours fourrés l'un chez l'autre!
- Pas plus qu'avec toi.
- A ce que je sache, tu n'as jamais fait part à ta mère de tes côtés homo...!
- T'as très bien compris ce que je voulais dire ! Je ne sais pas pourquoi, mais ils veulent me caser avec Lucas !
- C'est le gendre idéal faut dire... me dit-elle avec un air coquin et supérieur.
- Moi je te dis qu'ils cachent quelque chose...
- Tu sais quoi ? me dit-elle en se levant. T'es saoûlante ! Je t'appelle pour qu'on sorte ce soir ! On fera ça en douce, me dit-elle pour répondre à mon regard interrogateur. Allez, bye ! Et tu te fais belle hein !
Je suis restée là un moment, interloquée par ce qu'elle venait de me dire. Oh, j'ai l'habitude qu'elle me malmène un peu. Mais je réalisais que j'étais la seule à y croire encore, à ce mystère que mes parents entretenaient. On n’en avait plus parlé depuis un bon bout de temps, c’est vrai, mais j’avais imaginé qu’eux aussi gardaient l’espoir qu’un jour, on découvre ce que mes parents cachaient. Apparemment, je m’étais lourdement trompée. Ysaline pensait que j’avais tout imaginé et Dieu seul savait ce que Lucas avait comme opinion à propos de tout ça, avec une petite amie comme Ysaline. Si ça se trouve, il avait même carrément tout oublié. Peut-être fallait-il que j’en fasse de même.
Ce soir-là, donc, j'ai fait semblant d'aller me coucher, comme d'habitude. Ysa m'avait téléphoné, on partait à 23h30, pour être sûres que mes parents dormiraient, et elle venait me chercher. Je me suis préparée, dans le plus grand silence, et je suis descendue. Je suis sortie un peu en avance, elle était capable de klaxonner pour m'appeler ! Et si mes parents m'avaient entendue, je trouverais une excuse bidon, tant pis.
On est donc parties dans une boîte de nuit de SimCity, à quelques kilomètres de là. C'était la première fois que j'y allais, et j'étais toute excitée ! L'idée de sortir me donnait la sensation d'être grande, et en plus, j'avais bien l'intention de revenir un petit copain en poche ! Ou du moins, un copain pour une soirée, je m'en fichais si ça continuait ou pas, c'était pas mon but.
On est arrivées devant un superbe bâtiment, très classe, grand et luxueux. Des gens arrivaient de toutes parts, plus sexy les uns que les autres. Ils étaient de tout âge, de tous les genres. Ils allaient et venaient au gré de la foule, draguaient par-ci par-là, s'embrassaient, se tenaient la main, parfois aussi se disputaient. C'était un spectacle inoubliable, et l'image de cette entrée restera gravée dans ma mémoire. J'étais éblouie.
On est descendues de voiture, et on s'est dirigées vers l'entrée. Je fus étonnée qu'on nous laisse entrer dans ce genre de truc, mais je n'allais pas m'en plaindre. A l'intérieur, des lumières de tous les côtés, des gens qui dansaient, même s’ils étaient encore peu nombreux, qui discutaient. C'était une ambiance agréable, tout le monde avait l'air de s'amuser, et je n'avais qu'une seule envie, me lancer à mon tour dans ce tourbillon de folie d'un soir.
Mais Ysa avait d'autres projets.
- Petit a, on commence par le bar ! Il faut se détendre un peu !
Elle m'emmena et m'offrit une boisson dont je ne connaissais ni le nom, ni l'odeur. Mais je lui faisais confiance, et je bus. Après deux comme ça, elle était décidée à danser, alors que moi je tournais déjà. Soit, allons danser !
Nous avons commencé à nous déhancher comme des folles sur la piste de danse, et je ne me suis jamais autant amusée. Peu m'importait que les gens nous regardent, tout ce que je voulais, c'était profiter, ne penser à rien, et m'amuser.
Puis je la vis parler à un garçon, mais je n'avais pas le courage de me poser les questions habituelles, et je la laissais faire. Je compris deux minutes plus tard qu'elle était en train de me brancher avec lui, plutôt mignon même. Il s'approcha de moi et commença à danser. Moi je ne demandais pas mieux et je m'y remis de plus belle.
Nos corps se rapprochaient, ses mains se posaient sur mes hanches, mais je me laissais faire sans discuter, j'aimais ça. Pas moins de 30 secondes plus tard, j'étais scotchée à lui, discutant dans le creux de son oreille. Il s'appelait Xavier et avait 17 ans, il me trouvait très jolie et avait très envie de faire ma connaissance. Moi j'aurais plutôt dit qu'il avait très envie de connaître ma bouche et tout ce qui s'y trouvait. C'est qu'il explorait bien, et je répondais à son baiser en y mettant du cœur. Je ne m'attendais à rien d'autre pour un premier baiser, et je fus satisfaite. Le reste de la soirée se passa agréablement, et j'entendis un peu plus le son de la voix de mon premier petit copain. Il était vraiment sympa, et ça faisait tout de même plaisir de se dire que je n'étais pas sortie avec le dernier des nuls qui aussitôt après avoir eu ce qu'il voulait, se barrait en courant. Mais il fallait bien que ça se termine un jour, alors après cette soirée haute en couleurs, Ysa m'a ramenée chez moi. J'étais sur un petit nuage, bien dans ma tête, fatiguée, mais hyper contente de ma soirée.
- Allez, vas dormir, dragueuse ! me dit-elle lorsque j'eus quitté la voiture.
- Merci, bonne nuit ! Et à demain.
- A tout à l'heure !
Puis elle est partie, s'enfonçant dans la nuit noire. Je suis restée là jusqu'à ce que je ne distingue plus les deux points rouges des phares arrière de la voiture. Puis je suis rentrée dans la maison, et je me suis hâtée de retourner dans ma chambre. J'ai mis mon pyjama, et je me suis glissée dans mon lit, mais impossible de dormir. Toute cette soirée se déroulait à nouveau dans ma tête. Et ce baiser... waouw ! Ce garçon était trop bien, trop mignon, trop... tout ! C'était parfait, et jamais je ne remercierais assez Ysa pour ce qu'elle venait de m'offrir.
Le lendemain, par contre, c'était moins drôle... Je me suis réveillée à 11h du matin, avec un mal de tête horrible et une envie de vomir qui dépassait tout ce qu'on pouvait imaginer. Il faut dire que je n'avais pas vraiment l'habitude de boire de l'alcool, et pour une première fois, ça ne me réussissait guère. A peine levée, j'ai couru à la salle de bains... mais rien n'est venu. Pourtant, j'aurais peut-être préféré. J'ai essayé d'arranger ma tête pour ne pas faire tache devant les parents, mais c'était pas trop ça. Puis je suis descendue à la cuisine, où tout le monde avait fini de manger.
- Naëlle, tu vis toujours ?
- Moui... je crois. Mais pour une fois j'aurais préféré que ça ne soit pas le cas.
- Qu'est-ce qui t'arrive ma puce ? me demanda ma mère, inquiète.
- J'ai mal au ventre, j'ai envie de vomir.
- Oh ma pauvre chérie, tu veux que j'appelle le médecin ?
- Tu as fait quoi à 23h30 hier Naëlle ? me demanda mon père, qui apparemment n'était pas dupe.
Pourtant, je choisis de mentir.
- Euh... je sais pas quelle heure il était, mais je me suis réveillée pour aller vomir pendant la nuit.
- Mouais... dit mon père, apparemment peu convaincu.
- Ne dis pas n'importe quoi mon coeur, tu vois bien qu'elle est malade, répondit ma mère.
Le reste de la journée, elle était aux petits soins pour moi, alors que mon père m'ignorait totalement. Je crois qu'il a compris, mais il a décidé de ne rien dire... du moins aujourd'hui. Mais j'étais sûre que ça allait ressortir à un moment ou à un autre.
Quoi qu'il en soit, le lendemain, c'était la rentrée, et c'est avec peu d'enthousiasme que j'ai pris ce satané bus qui faisait toujours autant de bruit. Le seul avantage, c'est que maintenant, j'avais fini les cours à 13h au lieu de 15. Et j'avais décidé de me trouver un petit boulot !
Arrivée dans la cour, qui était beaucoup moins jolie que le beau parc auquel nous avions droit avant, j'ai rejoint Ysa et Lucas.
- Salut !
- Tiens, v'là la dragueuse ! lança Ysaline.
- Pourquoi tu dis ça ? demanda Lucas, apparemment pas au courant. Salut Naëlle, tu vas bien ?
- Mademoiselle était de sortie avant-hier, et elle a fait des folies de son corps... et de sa langue !
- Ysa !!! Oui ça va, dis-je en me tournant vers Lucas.
- Alors tu es sortie avec quelqu'un ? me demanda-t-il, comme si c'était tout à fait exceptionnel.
- Euh... oui, répondis-je, un peu gênée qu'il me demande ça de cette façon.
On se mit à marcher lentement dans la cour encore vide à cette heure-ci.
- Oh... et c'était qui ?
- Ben... j'en sais rien, dis-je en riant.
- Un garçon répondant au doux prénom de Xavier ! dit Ysaline en ricanant.
- Tais-toi, toi !
Lucas avait l'air de s'en foutre royalement, et Ysa continua de m'embêter le reste de la matinée. Puis, à la récré de midi, on a enfin aperçu cette fille, la nouvelle. Comme l'avait prévu Ysaline, elle était vachement jolie, et avait plutôt l'air bien dans ses baskets ! Ysa et Lucas n'avaient pas l'air de s'y intéresser, et c'est vrai que c'était une fille comme les autres. De toute façon, peu importait. Elle était seule, et c'est sans hésitation que je me suis dirigée vers elle.
- Salut, t’es sûrement la nouvelle dont on a parlé au journal, dis-je avec un petit sourire entendu, étant donné que les quelques personnes présentes la dévisageaient sans gêne. Moi c’est Naëlle.
- Salut, me dit-elle. Moi c'est Alaël. Tu n'as pas peur que tes amis ne t'adressent plus la parole si tu t'approches de moi ?
- Mes amis ne sont pas si bêtes, et je ne vois pas où est le problème, répliquai-je. Tu veux venir avec nous ? Ce sont eux deux, mes copains, ils sont sympas.
- Euh... ok, merci !
On arriva à la hauteur d'Ysaline et Lucas, et je fis les présentations.
- Voici Ysaline et Lucas. Ils sont ensemble depuis quelques années, donc chasse gardée pour Lucas, dis-je sur le ton de la confidence en adressant un sourire à l'intéressé, qu'il me rendit. Et voici Alaël.
- Joli prénom, content de te connaître, dit aimablement Lucas.
Par contre, je redoutais un peu la réaction d'Ysaline. Une autre fille dans notre groupe, elle n'allait pas aimer ça, c'est certain. Mais j'osais espérer qu'elle lui ferait bon accueil, et je fus ravie de constater que c'est ce qu'elle fit.
- Moi aussi, dit Ysa avec un sourire honnête.
Et nous avons passé le reste de la journée à bavarder, en évitant pour le moment le sujet de ses origines et le pourquoi de sa venue chez nous. Nous attendions d'être plus proches pour savoir pourquoi des gens, vivant dans un monde où l'immortalité était monnaie courante, étaient venus ici.