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Premiers pas enquêteurs

Bon, je vais regarder dans un autre, pour voir s'il y a d'autres choses. Au hasard... Celui-là ! Regarde, il y a la même chose ! Celui-là aussi... et encore celui-là !
« On dirait qu'il y a ça dans tous. C'est bizarre. Je me demande ce que c'est. »
Moi aussi ! Je comprends pas très bien ce que...
- Naëlle ?
Mince ! C'est maman, elle est déjà là ? Viiiite, faut que je range !
- Naëlle ? Tu es où ma puce ?
- J'arrive ! Je suis dans le salon.
Ouf ! A temps !
- Tu faisais quoi ma chérie ?
- Je m'étais endormie et tu m'as réveillée. J'ai eu peur.
- Oh pardon. Il pleut, on va faire tes devoirs ?
- Ouais, d'accord.
- Oui, pas ouais.
Oh zut, j'avais pas eu le temps de comprendre ce que c'était ! Et maintenant, je pourrai plus y aller, ils vont jamais m'en laisser l'occasion, tu peux en être sûre !
On est donc allée faire mes devoirs, en plus j'avais rien à demander, ils étaient super faciles, alors j'ai encore du inventer quelque chose que je comprenais pas soi-disant. Je vais finir pas être une super menteuse !

Il fallait absolument que j'en parle à Ysaline et Lucas ! Peut-être qu'ils pourraient m'aider. Et puis de toute façon je n'aimais pas d'être la seule à savoir comme ça. Il fallait que je le dise à quelqu'un !
Le week-end touchait à sa fin, ma maman allait partir, mon papa venait de revenir. Pour une fois, je lui ai posé des questions sur son travail, mais il est resté très vague.
- Alors, tu as fait quoi pendant tout un week-end ? demandai-je.
- J'ai travaillé ma puce.
- Oui mais tu as fait quoi ? Je sais même pas ce que tu fais !
- C'est vrai, parce que c'est un peu compliqué pour une petite fille comme toi.
- Je suis plus si petite !

- Toujours un peu trop petite pour comprendre tout ça. Tu verras, sois patiente, et un jour, tout cela te sera expliqué.
Il était bizarre. Depuis Noël, ils étaient bizarres tous les deux. En fait, depuis que j'avais fait ce rêve où ils étaient morts. J'avais l'impression qu'ils me cachaient des choses. Enfin, avec ce que j'avais vu dans les livres, chose qu'ils ne voulaient pas que je vois puisqu'ils ne voulaient pas que j'aille dans le bureau, j'étais certaine qu'ils me cachaient quelque chose.  

Mais si ça se trouve, ils ne savaient même pas ce que c'était. Peut-être qu'ils ont découvert ça comme moi, qu'ils ne savent pas ce que ça veut dire. Alors ils ne veulent pas qu'on le voit parce que ça leur fait peur, ou parce que c'est dangereux. Je ne sais pas. C'était un mystère qu'il fallait que je découvre vite. Je n'aime pas qu'on me cache des choses, et puis je suis très curieuse, j'aime bien découvrir les secrets, j'adore les livres où il y a un mystère à percer. Ben là, j'avais l'impression que c'était ma vie qui était un mystère.
Je ne pouvais pas en parler à mon frère en tout cas. Il est encore plus petit que moi, et je suis sûre qu'il aurait pas su garder le secret. Il est trop bavard, trop petit pour comprendre que les parents ne voudront rien nous dire et qu'il faut découvrir par nous-mêmes.
« Tu crois vraiment que c'est un secret si lourd Naëlle ? C'est peut-être simplement quelque chose qui ne te regarde pas. C'est peut-être quelque chose entre eux que tu ne dois pas savoir. »
Oui peut-être. Mais je me demande s'il y a un lien entre leur discussion sur Lucas et moi et ce qu'il y a dans les livres. Je n'ai rien compris, alors je ne pourrais pas le savoir.

- Naëlle, tu vas demander quoi pour ton anniversaire ? me demanda mon petit frère qui m'avait fait super peur en arrivant. J'étais plongée dans mes pensées, je l'avais pas entendu.
- Euh... je sais pas pourquoi ?
- Ben parce que c'est bientôt !
- Dans deux semaines Guillaume !
- Oui mais tu vas rentrer au collège aussi bientôt !
- Je sais ! Pourquoi tu viens m'embêter ? Je réfléchis là !
- A quoi ?
- Oh laisse moi tranquille ! Va jouer !
- T'es amoureuse ?
- Oh mais t'es bête ! Va-t'en !

- Si tu le dis pas, c'est que c'est vrai !
Qu'est-ce qu'il pouvait être bête tout de même ! Est-ce que tous les garçons sont comme ça ? En tout cas, ils sont trop compliqués pour moi. Heureusement, il est enfin parti !
Quand j'y pense, c'est vrai que c'est bientôt mon anniversaire. Je n'y avais pas fait attention. Je ne sais pas ce que je vais demander. Je n'ai pas très envie d'un objet. J'en ai déjà plein. Je pourrais peut-être demander des réponses à mes questions ! Non, ils voudront pas, va falloir que je me débrouille toute seule.

Enfin, j'étais contente d'aller à l'école, parce que je voulais raconter ce que j'avais vu dans les livres à Ysaline et surtout Lucas. Ils en avaient peut-être marre que je leur parle de ça, mais ils étaient les seuls à qui je pouvais me confier. En plus, Lucas était concerné, je crois du moins. Il fallait bien qu'il cherche avec moi. De toute façon, ils sont aussi curieux que moi, alors j'étais sûre qu'ils seraient contents d'en apprendre plus, comme moi. Et puis peut-être aussi qu'ils penseront à des trucs auxquels je ne pense pas forcément. Ils ont des frères et soeurs, dont des plus âgés, peut-être que ça pourrait nous aider.

- Alors, qu'est-ce que tu avais de si important à nous dire ? demanda Ysaline.
J'avais l'impression de l'embêter quand même avec mes histoires, peut-être qu'elle était encore jalouse, elle croyait peut-être que je voulais avoir Lucas et que j'inventais tout ça, mais ce n'était pas le cas. Alors je lui ai dit, puisque Lucas n'était pas encore là.
- Ben j'ai découvert des choses chez moi mais on va attendre Lucas. D'abord, je voulais te dire de pas être jalouse de moi. Je vais pas te le voler.
- Qui ?
- Lucas. Je suis sûre que tu crois que je dis tout ça pour l'avoir comme amoureux. Mais je ne veux pas.
- D'accord, je te crois. Mais tu me le dirais si tu étais amoureuse de lui ?
- Oui ! Mais ça n’arrivera pas ! Je vais pas te le voler, et puis de toute façon, je trouve que Thomas est plus beau, dis-je en riant.
- Moi je trouve que c'est Lucas le plus beau !

A ce moment-là, il est arrivé, et je crois qu'il a entendu ce que Ysaline venait de dire parce qu'il avait un sourire jusqu'aux oreilles !
- Alors tu me trouves beau ? dit-il en faisant comme ces garçons à la télé, que toutes les filles trouvent beaux et qui se croient les meilleurs du monde !
La pauvre Ysaline est devenue rouge pivoine, moi j'ai pas pu me retenir de rire. Elle avait pas l'air très contente, mais vous auriez vu sa tête, c'était trop marrant.
- De toute façon, je dois vous parler de quelque chose, dis-je pour essayer de rattraper le coup.
- Oui, elle a un truc à nous dire ! renchérit Ysaline pour changer complètement de sujet.

- Alors voilà, chez moi, j'ai réussi à aller dans le bureau quand mon papa n'était pas là ce week-end, et quand ma maman travaillait dehors. J'ai regardé dans un livre, au départ je voyais rien, puis tout à coup, j'ai remarqué quelque chose, un truc écrit, mais c'était pas très lisible justement. Juste quelques marques. Alors j'ai pris un autre, puis encore un autre, et de temps en temps, j'apercevais des marques du même genre. Je ne sais pas du tout ce que ça veut dire. Ça n'a pas l'air d'être la même langue que nous. En tout cas, c'est pas des lettres comme à l'école. J'ai vraiment envie de savoir ce que c'est, mais je ne vois pas comment je pourrais comprendre. Je n'oserais jamais demander à mes parents. Je ne pourrai pas non plus retourner au bureau, mon papa sera là cette semaine, je suis sûre qu'il va me surveiller, puisqu'il sait que je suis curieuse et qu'il m'a interdit d'y aller.

- On pourrait regarder dans les livres chez Ysaline ou chez moi, dit Lucas.
- Oui, peut-être qu'il y a ça chez nous aussi. Enfin moi je vais jamais voir les livres à la maison, je regarde que ceux qui sont dans ma chambre, pas ceux de mes parents.
- Moi non plus, répondit Lucas.
- Bon, alors peut-être que dans ceux de vos parents, il y a la même chose, dis-je. Je ne sais pas. S'il y a la même chose, alors on demandera tous à nos parents ce que c'est, mais s'il n'y a que les miens qui ont ça... alors c'est bizarre. En même temps, ils sont bizarres depuis Noël mes parents. Ils me cachent quelque chose, j'en suis presque sûre.

- Et tu crois que ça a un rapport avec quoi ? me demanda Lucas.
- Je ne sais pas. Vous vous souvenez la conversation que j'avais surprise ? Eh bien je ne sais même pas si ça a un rapport avec ça ou pas, ce que j'ai vu dans les livres. Je vous jure, c'est trop bizarre comme écriture. Et puis il m'a semblé qu'il y avait deux sortes d'écriture, mais je n'en suis vraiment pas certaine, on ne voyait pas bien, et je ne suis pas restée longtemps, ma maman est rentrée assez vite. J'ai eu chaud, si elle était rentrée par l'autre porte, elle m'aurait vue.
- Alors il faut que tu sois plus discrète Naëlle, me conseilla Lucas. Peut-être que tu pourrais y aller pendant la nuit !

- Pendant la nuit ? Mais je n'oserais pas ! S'ils me trouvent, qu'est-ce que je vais dire ?
- Bah et s'ils te trouvent pendant la journée, ce sera pareil ! Et la nuit, ils dorment, tu as moins de chance de te faire prendre qu'en pleine journée quand tes parents bougent et vont d'une pièce à l'autre.
- Je ne sais pas si j'oserais.
- Mais si, fais pas la trouillarde, me lança Ysaline sur un air de défi.
- Oh ben c'est facile pour vous de dire ça, vous pouvez aller dans le bureau quand vous voulez !
- Oui, mais si tu veux essayer de comprendre, c'est la seule solution possible !
- Bon, j'essayerai.
- Tu sais, tu devrais t'entraîner un peu avant, me dit Lucas.
- Comment ?
- Eh ben pendant la nuit, pas toutes les nuits sinon ils vont se poser des questions, mais quelques nuits par semaine, tu descends, tu vas boire un verre d'eau à la cuisine, ou bien tu vas aux toilettes. S'ils se réveillent pas, c'est bon signe. Et s'ils se réveillent, au moins tu as une excuse !
- Tu as déjà essayé que tu dis ça ? demanda Ysaline, surprise par les astuces de son amoureux.

- Ben oui, j'ai déjà essayé.
- Pourquoi ? Tu voulais faire quoi ?
- J'ai...
- Ben quoi, fais pas le gêné !
- J'ai volé un peu d'argent à ma mère, dit-il, vraiment mal à l'aise.
Il volait de l'argent ? C'était vraiment pas bien ça !
- Tu as volé de l'argent à ta maman ? demandai-je, un peu déçue par son attitude.
- Oui, mais... c'était pour ma petite sœur !
- Pourquoi ?
- Ben une fois, elle est venue près de moi en pleurant, elle m'a dit que les autres s'étaient moqués d'elle parce qu'elle avait pas le jeu à la mode, vous savez, ces petits cartons qu'on lance ?
- Oui.
- Eh ben donc, j'ai volé de l'argent pour lui en acheter quelques-uns au magasin. Depuis, elle en a tout plein parce qu'elle arrête pas de gagner. Et moi, avec l'argent que j'ai reçu à mon anniversaire l'année passée, ben j'ai remis ce que j'avais volé à ma maman après. Elle a pas compris où étaient passés ses sous, ni comment un jour elle s'est retrouvé avec quelques pièces en plus, mais elle ne m'a jamais rien demandé, ni à ma soeur, qui n'est même pas au courant. Je l'ai même entendue dire à mon père que si l'argent commençait à pousser dans son portefeuille, elle allait pas s'en plaindre. Moi j'étais mort de rire quand j'ai entendu ça.
- Heureusement que tu lui as rendu, dis-je.
- Ben oui, je vais pas lui voler des sous quand même.
- Et elle a même pas compris que les sous qui sont apparus un jour étaient ceux qui avaient disparus ? demanda Ysaline.
- Non, parce que je les ai pas remis tout de suite, pour qu'elle s'en souvienne pas.
- T'est trop fort toi ! Tu devrais faire braqueur de banques plus tard ! dit Ysaline en rigolant. Sauf que tu gagnerais pas beaucoup de sous si tu les remets à chaque fois après !
On était tous les trois morts de rire.

Qu'est-ce que je m'amusais bien avec eux. Même si je sens bien qu'Ysaline est toujours un peu jalouse, je me dis que ça va s'arranger, elle va bien voir au fil du temps que je ne veux pas lui voler Lucas, que je suis juste leur amie à tous les deux.

Ils étaient amoureux, enfin, ils s'aimaient bien quoi. Je n'allais pas voler l'amoureux de mon amie. En plus, je n'aimais pas Lucas comme amoureux, je l'aimais comme ami. Elle va comprendre que je suis amie avec lui comme je suis amie avec elle.
J'étais heureuse d'avoir trouvé des copains comme eux. En plus, c'est eux qui sont venus vers moi, je n'avais rien demandé, je ne les ai pas choisi, mais ils me conviennent parfaitement.
Je crois bien qu'Ysaline a vu une menace en me voyant arriver, parce qu'elle était la seule à être amie avec Lucas, elle était la seule fille alors elle était contente. Elle pensait sans doute que j'allais prendre sa place, mais après tout, on peut former un groupe de trois non ?
« Ça ne marche pas toujours les groupes de trois, mais parfois ça va quand même. Je suis sûre que vous y arriverez très bien. »

J'espère. Enfin, les voilà au courant, je n'avais plus qu'à attendre de leurs nouvelles et à m'entraîner pour retourner dans le bureau. J'avais un peu peur. Je n'avais pas l'habitude de faire des choses que je ne peux pas. Mais mince, ils arrêtent pas de me cacher des choses, alors zut ! Je suis plus une gamine, j'ai le droit d'en savoir un peu plus quand même. Mais eux ils me prennent pour une petite fille encore.
Pendant la nuit, j'ai fait mon premier test. J'ai été dans la cuisine, ils ont rien entendu, enfin je crois. On verra demain matin s'ils me disent quelque chose. J'espère au moins que mon frère ne dira rien s'il m'entend, il est capable de me balancer l'idiot !

De leur côté, Lucas et Ysaline m'expliquèrent qu'ils n'avaient rien trouvé dans les livres chez eux. J'étais pas avancée. Je ne savais rien, je m'entraînais toujours pendant la nuit, j'avais vraiment trop peur d'être prise sur le fait une fois que j'irais au bureau. Vu comme mon papa m'avait grondée, c'était à mon avis vraiment interdit, alors il fallait que je réussisse !
Puis mon anniversaire est arrivé. Pour ne pas éveiller les soupçons, je n'ai demandé que des livres et des DVD, pas de questions, pas de sous-entendus. Au moins, j'ai plus de chance de ne pas me faire prendre. S'ils voient que j'abandonne un peu l'affaire, comme me l'a conseillé Lucas, ils n'auront plus de soupçons et ne se méfieront plus de moi à ce sujet-là.

Je n'ai rien fait de spécial pour mon anniversaire, il y avait juste ma famille. Pour une fois, ils étaient là tous les deux, mes parents, je n'allais pas m'en plaindre.
Et puis, grande nouveauté dans ma vie, je suis entrée au collège ! Changement d'école, heureusement avec mes deux amis. Tout s'est bien passé, et on a un peu oublié toute cette histoire. J'ai quand même tenté mon coup dans le bureau, j'ai feuilleté des livres, j'ai comparé, mais je ne comprenais vraiment rien. Je ne savais pas lire cette écriture, et puis on voyait vraiment très mal. C'était comme... transparent. En plus, j'étais dans le noir, avec une petite lampe de poche.
Puis, tout à coup, j'ai vu, au hasard, en passant la lampe d'une certaine façon, que quand on mettait la lampe de l'autre côté de la feuille, on pouvait tout lire ! On voyait tout, et très bien ! Mais je ne comprenais toujours rien. J'étais déçue.
J'en ai parlé à Lucas et Ysaline, mais ils ne savaient pas plus que moi. Et je crois qu'ils commençaient à en avoir marre les pauvres. C'est vrai, ils ne vivaient pas avec mes parents et ne voyaient pas leur comportement bizarre. Et on n'en savait pas plus. Je n'ai plus surpris une conversation entre mes parents, bref, rien de nouveau. Moi j'étais toujours curieuse, mais pour le bien de mes amis, pour notre relation que je ne voulais pas gâcher, j'ai mis cette affaire de côté.

De toute façon, plus rien ne bougeait, alors peut-être que j'avais tout inventé. Peut-être que ces inscriptions dans les livres n'étaient que des notes prises au hasard, et il se pouvait très bien que mes parents ne soient pas au courant.
J'ai essayé de me convaincre de tout cela pendant les quelques années où nous sommes passés à autre chose avec Lucas et Ysaline. Mais une petit voix au fond de moi me disait toujours: « Mais alors, pourquoi ne veulent-ils pas que tu ailles dans le bureau ? Et pourquoi ont-ils parlé de Lucas et de toi de cette façon ? Pourquoi ces regards ? »
Toutes ces questions ont été rangées dans un tiroir, mais elles étaient toujours présentes. Je ne les avais pas oubliées. Peut-être que j'attendais un nouvel indice pour me relancer dans une espèce d'enquête. Simplement pour ne pas me sentir folle et seule, il me fallait quelque chose de neuf.
Ce quelque chose de neuf, je l'ai eu le jour de mes 15 ans, à quelques jours de mon entrée au lycée...

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